Comme le renard avec le corbeau dans la fable de La Fontaine, Katumbi fait profil bas politiquement face à Fatshi qu’il caresse pour avoir des franchises politiques pouvant lui permettre de se relancer dans les affaires en RDC. Quant au radicalisme qui caractérise tout opposant au pays de Lumumba, il le laisse à Fayulu qui traite Fatshi de « pantin » et Kabila comme le « vrai détenteur du pouvoir ». Un vrai « placebo » pour ce « peuple » aux côtés duquel il (Katumbi) prétend venir se ranger, alors que les intérêts qui le ramènent au Katanga sont dans les affaires…
En annonçant son retour en RDC le 20 mai prochain après trois années d’exil, Moïse Katumbi Chapwe a aussi déclaré, mardi matin dans un spot-interview sur RFI et France 24, qu’il allait se consacrer à la politique dans l’opposition pour être aux côtés de « son » peuple. En termes d’opposition, l’ancien gouverneur de l’ex-Katanga la veut « républicaine ». Une « opposition républicaine » qui, selon lui, consiste à « applaudir là où il faut applaudir et critiquer là où il faut critiquer, et même donner des conseils et des solutions ».
Profiter de la nouvelle entente entre Kinshasa et Washington pour se relancer dans les affaires
Bref, pour Félix Tshisekedi, son mandat devrait être un long fleuve calme, du moins selon ce que lui en propose Moïse Katumbi. Mais pour qui connaît la politique sous les tropiques, surtout congolaises, la jonction de l’épithète « républicaine » au substantif « opposition » renferme bien de calculs et de stratégies qui n’échappent pas Katumbi. Même s’il prétend se désintéresser des affaires pour se consacrer au peuple dans son engagement politique, le chairman du TP Mazembe lâche là un rideau de fumée pour masquer sa stratégie.
Il compte bien se relancer dans les affaires qui sont, en fait, son monde qu’il entreprend de protéger derrière un enclos de garde-fous politiques, exactement comme le font les fortunes occidentales qu’il côtoie.
En s’en allant en exil voici trois années, Moïse Katumbi avait pris le temps de bazarder plus de la moitié de ses affaires au Katanga. Même son club de football, le TP Mazembe, avait vu son budget réduit d’un peu plus de la moitié. Entre-temps, trois années se sont écoulées, non pas seulement en exil, mais aussi dans la coûteuse politique à la congolaise.
Las de n’avoir pas pu prendre le contrôle du pouvoir avec le concours de ses appuis politico-affairistes occidentales, et grâce à son flair affairiste, Katumbi a bien subodoré en Félix Tshisekedi se tremplin qui pourrait le re-propulser dans les affaires. En effet, le nouveau Président de la République revient des Etats-Unis d’Amérique avec un crédit confiance bien rembourré ainsi que des orientations d’investissements précis. Ceci a fait « tilt » dans l’homme d’affaires qui sommeille en lui, et Katumbi entreprendre désormais d’en tirer le meilleur profit. Surtout que l’ami belge, Didier Reynders, opportuniste devant l’éternel, a su arpenter les bons couloirs à Washington pour réussir à se faire rencontrer Tshisekedi…
Washington et Bruxelles se présentent ainsi comme un bel axe de profit grâce au pont qu’offre Tshisekedi qui rassure les occidentaux et le rassure lui-même. C’est sur ce terreau de confiance entre Kinshasa, Washington et Bruxelles que Katumbi entend rebondir pour (re) faire prospérer ses affaires. Même s’il faut, pour lui opposant, caresser le nouveau pouvoir dans le sens du poil. Déjà, il gave Félix Tshisekedi des mots sympathiques lorsqu’il estime, par exemple, qu’il « y a des choses positives que Félix Tshisekedi est en train de faire. Par exemple la liberté d’expression, la libération des prisonniers politiques et puis supprimer des cachots… ». En clair, tous ces signaux qui ont séduit Bruxelles et Washington.
Fayulu et Kabila pour faire le combat politique
Cependant, pour le militantisme frondeur de la RDC, il faut bien du croustillant en termes d’extrémisme du combat politique pour espérer émerger. Moïse Katumbi a manifestement tout prévu pour cela. D’un côté, il compte sur Martin Fayulu, son co-sociétaire au sein de « Lamuka » dont il est le premier à assumer la présidence tournante. En effet, si lui-même a opté pour une opposition modérée (lisez « républicaine ») pour des intérêts qui ne sont plus à démontrer, il entend profiter de l’extrémisme de Fayulu pour justifier son combat politique auprès de « son » peuple.
Toujours en bon calculateur, Katumbi ravive la flamme de son antagonisme contre Joseph Kabila qu’il continue d’entretenir dans son discours comme « l’incarnation du mal ». Un discours bien circonscrit pour garder l’opinion loin de toute suspicion dans son rapprochement stratégique vers Fatshi, tout en veillant à ne pas trop égratigner la coalition Cash-Fcc. La suite, Fayulu – qui, manifestement, n’a encore rien compris – s’en chargera. Ne tient-il pas, en effet, Félix Tshisekedi comme un « placebo » ou un « pantin » au moment où, toujours selon lui (Fayulu), Kabila serait (encore) le vrai détenteur du pouvoir ? CQFD…
Jonas Eugène Kota